Nous savons qu’il existe une maison du dictionnaire et un dictionnaire de la maison. La maison nato a donc eu envie de rassembler ses mots : autant de codes, de clés, de signes et d'intentions qui relient et rallient. Réverbères du chemin des écoliers, ceux du diconato éclairent un peu davantage la syntaxe fantaisie de ce langage incontrôlé.


Choisissez un mot ci-dessous :



Téléphone : n. m.

Le téléphone est une invention à l'origine destinée à ce que deux personnes puissent se parler à des distances très lointaines sans utiliser de pots de yoghourt. Au XXIe siècle, il s'est transformé en objet électronique servant à peu près à tout sauf à se parler. Ce qui est sans doute le résultat confus et lointain d'une paternité incertaine. Le titre d'inventeur de cette drôle de machine reste disputé par une troupe de fantômes avec pas mal de friture sur la ligne dès 1837 : Charles Grafton Page, Innocenzo Manzetti, Charles Bourseul, Johann Philipp Reis, James Fold, Antonio Meucci (qui n’avait pas $10 en poche pour déposer le brevet), Cromwell Varley, Poul la Cour, Daniel Drawbaugh, Elisha Gray qui déposa un brevet deux heures avant le fourbe Alexander Graham Bell qui est pourtant celui dont le nom est retenu par l’histoire, injuste là comme ailleurs (le brevet de Gray ne fut examiné que le lendemain pour d’obscures raisons). Mais l’invention eut besoin de sérieuses améliorations et il fallut compter sur d’autres Géo Trouvetou pour qu’elle fut opérationnelle : Tivadar Puskás et Thomas Edison, adepte d’une philosophie de la non-violence (qui ne l’empêcha pas de participer à la recherche d’armes chimiques pendant la Première Guerre mondiale ou d’inventer la chaise électrique), ami des animaux et chercheur athée qui n’attendit donc pas les voix du seigneur pour palabrer avec ses copains. Groucho Marx dans Go West (Chercheurs d'Or - 1940) donne une toute autre information sur l’invention du téléphone l’attribuant à l’acteur Don Ameche (interprète de The Story of Alexander Graham Bell tourné l’année d’avant). C’est aussi Groucho Marx dans The Big Store (Les Marx au grand magasin - 1941) qui révèle, avec une habile pédale, la pompeusité faux-fuyante de cette étrange innovation en passe de dominer les affaires du Monde, lequel s’enthousiasme des possibilités de l’appareil - qui plus que tout autre représente l’homme moderne -, mais se sent trop vite embarrassé du cordon ombilical le reliant. Dès 1950, est mis au point un téléphone sans fil qui un demi-siècle plus tard va devenir l’objet majeur de la civilisation, la référence totale. Le téléphone permet dès lors d’envoyer des messages sans queues ni têtes, de virer de l’argent, virer son amoureux ou son amoureuse sans besoin de gants, réserver des places aux Folies Bergères, faire semblant d’écouter de la musique, regarder la télévision, jouer au Monopoly, se prendre pour un militaire, s’adonner aux plaisirs solitaires et ignorer l’humanité entière. Cet objet qui, un temps émut aux larmes en transmettant de loin les voix aimées précédé d’un « allo » remontant à Guillaume le Conquérant et permit quelques confidences sur l’oreiller ou parfois des vies sauves, connaitra une hallucinante transformation. Il s'impose comme implacable machine dessinant en pleine abstraction humaine la plus aride des solitudes. En 1965, dans le film Bunny Lake a disparu d'Otto Preminger, Horatio Wilson, personnage joué par Noël Coward, prévient : « Le téléphone, ce miracle de la communication moderne. Je me demande souvent comment il se fait que nous communiquions beaucoup moins avec toutes ces merveilles à notre disposition... que nous l’avons fait dans un jour plus primitif, sans le sans fil et la télévision. » On ne va jamais assez au cinéma. De nos jours, le téléphone - qui garde toute de même quelques fonctions pratiques - est non seulement rendu autoritairement obligatoire par contrainte, mais aussi devenu trop souvent un objet de posture, de gigantesque pollution, d'abêtissement, de flicage, de grossièreté, de raison de se tuer en conduisant et même de torture. Tant de détresse humaine et "y a jamais person qui répond".





Collectif - Six séquence pour Alfred Hitchcock
The Melody Four - Love plays such funny games
Steve Beresford His piano and orchestra - Eleven Songs for Doris Day
Lol Coxhill - The Inimitable
Fat Kid Wednesdays - The art of Cherry
Jacques Thollot / collectif - Thollot in extenso