Eric Kamau Grávátt
Eric Kamau Grávátt : batterie
Selon un point de vue récent de Joe Zawinul, Eric Grávátt fut le meilleur batteur de jazz du Weather Report “un génie” précise-t-il. Ceci ne l'a pourtant pas empêché de le virer de la plus vilaine manière : lorsque Grávátt arriva au studio pour les séances de Sweetnighter, il y trouva un autre batteur, ce qu’il prit très mal (on le comprend) et l’amena à quitter le groupe. Il pensa même sur le coup quitter la musique. Mais l’extraordinaire batteur du grand Weather Report qui jouait alors une musique collective (avant la prise de pouvoir de Zawinul), celui qui ouvre Live in Tokyo par un magnifique solo d’introduction, ce jeune homme tutoyant les cymbales comme tous les très grands, ne pouvait s’y résoudre.
Natif de Philadelphie, Eric Kamau Grávátt commence à jouer des congas à l’âge huit ans, devient percussioniste de l’ensemble symphonique de son école et c’est seulement à 16 ans qu’il se met à la batterie. Il joue et enregistre avec Byard Lancaster et Sonny Sharrock et rejoint rapidement le groupe de McCoy Tyner. A philadelphie, il joue aussi avec Freddie Hubbard, Albert Ayler, Roberta Flack, Charles Mingus, Donald Byrd, Booker Irvin, Woody Shaw, Donny Hathaway, Sam Rivers, Stanley Clarke, Pharoah Sanders, Gary Bartz…
Il quitte McCoy lorsqu’il reçoit une proposition de Weather Report sur la recommandation de Miroslav Vitous. Miles Davis aussi veut Grávátt, mais arrive un peu trop tard. Alphonso Mouzon qui vient de se faire licencier par Weather Report entre alors au service de McCoy Tyner. Eric Grávátt amène une musicalité exceptionnelle au groupe mais Zawinul a “une grande famille à nourrir” et n’a plus envie de cette interactivité avec les batteurs (c’est ainsi qu’il l’expliquera cyniquement, ce qui ne peut être la seule raison, espère-t-on).
Alors Eric Grávátt rejoint le groupe de Minneapolis en vogue, Natural Life, avec le bassiste Billy Peterson. Il enregistre aussi avec Julian Priester, Eddie Henderson et Andrew N. White III (rencontré pendant les séances houleuses de Sweetnighter).
McCoy Tyner (avec qui il enregistre le seul duo piano-batterie du pianiste) lui demande de réintégrer son groupe qui joue à la salle Pleyel à Paris (“je fermais les yeux en pensant que Chopin était venu ici”, confie alors le batteur). Mais les tournées avec McCoy Tyner ne sont pas toujours faciles et à la suite d’un différend à l’aéroport de Washington, Eric Kamau Grávátt se résout à abandonner la vie de musicien qu’il estime trop dure. Sa préoccupation principale réside dans les soins indispensables à sa femme, gravement malade. C’est la raison pour laquelle à Minneapolis, il prend le premier job disponible : gardien de prison et s’éloigne cette fois vraiment de la musique. Les musiciens locaux l’invitent parfois, comme Billy Frantze.
En 2001, alors que Michael Bland et Jean Rochard discutent batteurs et que le nom d’Eric Kamau Grávátt arrive dans la conversation, Michael Bland indique qu’il est là, à Minneapolis. Jean Rochard avait cherché en vain le batteur lors des séances des Lonely Bears, Terry Bozzio ayant mentionné plus d’une fois sa grande admiration pour lui et à quel point il avait été influent pour lui. Un petit coup de fil à Tony Hymas et dans les deux mois qui suivent, un enregistrement est réalisé : Hope Street MN qui scellera le retour d’Eric Kamau Grávátt sur le devant de la scène. La prison est à l’heure de la retraite et Eric, presque trente ans plus tard, reprend son poste de batteur dans l’orchestre de McCoy Tyner.
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