Bernard Vitet
Bernard Vitet : trompette
C'est après avoir entendu Miles Davis que Bernard Vitet, né le 26 mai 1934, se révèle trompettiste. Il joue également du trombone à pistons, comme lors de Surprise Partie avec Bernard Vitet, son premier enregistrement en 1955 dédié, comme son nom l'indique, à la danse à l'instar d'un grand nombre de disques de l'époque qui voyaient souvent figurer de grands jazzmen (Guy Lafitte, Martial Solal...).
Vitet joue avec le vibraphoniste Sadi Lallemand (transfuge de l'orchestre de Jacques Hélian), le saxophoniste Bib Monville, le guitariste Bob Aubert, le pianiste Pierre Franzini, le bassiste Pierre Sim et le fantasque batteur Baptiste "Mac Kak" Reilles. Ces musiciens oscillent joyeusement entre séances de variétés et passages en club jazz.
Côté chanteur, Vitet accompagnera Yves Montand, Serge Gainsbourg, Barbara, Brigitte Bardot, Claude François, Christophe. Côté jazz, il aura l'occasion de jouer avec James Moody, Django Reinhardt, Gus Viseur, Lester Young, Chet Baker, Hubert Rostaing, Alix Combelle. Il fait partie des ensembles de Jean-Claude Fohrenbach, Jack Diéval, Ivan Julien, Georges Arvanitas et Martial Solal (avec François Jeanneau) avec lesquels il enregistre quelques musiques de films - le jazz étant genre à la mode - telle celle de la Bride sur le Cou de Roger Vadim avec Brigitte Bardot.
Début des années 60, alors qu'il fréquente les clubs avec de tous jeunes musiciens français s'y révélant (Jacques Thollot, Jean-François Jenny-Clark, Jean-Luc Ponty), il jamme aussi avec Eric Dolphy, Albert Ayler et la nouvelle garde du jazz américain. On le retrouve dans les expérimentations de Jef Gilson qui sont souvent autant de tremplins pour la jeune génération (Ponty, Lubat, Thollot, Texier...). Il participe au Free Jazz de François Tusques, première française du genre et se lie d'amitiés avec Don Cherry. Le mouvement déferle et Vitet en est partie sensible : Garo Barbieri, Archie Shepp, Steve Lacy, L'Art Ensemble of Chicago, Anthony Braxton, Alan Silva. Sa curiosité, son sens de la contradiction, son désir de recherche, son acuité politique (le jazz est aussi vu comme la musique de l'"occupant") le prédestinent à tous les démarquages, les sorties de cadres. Il fait partie de ces musiciens qui sont facilement là où on ne les attend pas.
En 1966, il figure avec Jean-Louis Chautemps, Charles Saudrais, Gilbert Rovère et Michel Portal dans Jazz Ex du compositeur Bernard Parmegiani, tentative de conciliation du jazz et de la musique contemporaine. Il fait partie des rares musiciens français qui ont l'oreille des européens en désir d'une free music en rupture avec le free jazz (Alexander von Schlippenbach, Peter Kowald...).
La chanson continue de l'intéresser et le voilà partenaire de Colette Magny et Brigitte Fontaine. Son premier enregistrement sous son nom (si l'on excepte Surprise Partie), La Guêpe, est publié en 1972. Francis Ponge en est l'inspiration principale. Y participent : Françoise Achard (voix), François Tusques (piano), Dominique Dalmasso et Beb Guérin (basses), Jean Guérin (Multi-instrumentiste avec qui il participe à la bande originale du film Bof de Claude Faraldo), Jouck Minor (anches), Jean Paul Rondepierre (trompette).
La même année, il est membre du Michel Portal Unit qui offrira un concert qui fera date à Châteauvallon le 23 août. Ce concert sera radiodiffusé, télévisé et publié sous la forme d'un disque un an plus tard. L'engouement pour cette musique, marque d'une free music made in France libérée de l'influence américaine et différente des autres courants européens, est total. Le groupe rejouera l'année suivante à Châteauvallon avec un succès égal (et selon Vitet, une musique "supérieure"). Il aime à inventer des instruments. En 1976, il participe à Parallèles de Jac Berrocal pour la face B hommage à Luigi Russolo. C'est l'année d'une autre rencontre déterminante celle de Jean-Jacques Birgé et Francis Gorgé (qui ont publié Défense de sur le label de Sébastien Bernard, producteur de Frank Wright). Ensemble il créent Un Drame Musical Instantané où se mêlent musique, poésie, cinéma que le trio affectionne particulièrement (ciné concerts avec des classiques du muet comme Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, La Glace à trois faces et La Chute de la maison Usher de Jean Epstein, La Passion de Jeanne d'Arc de Carl T. Dreyer, L'Homme à la caméra de Dziga Vertov, L'Argent de Marcel L'Herbier.
Un Drame Musical Instantané constitue un parfait laboratoire pour les désirs de Vitet et de ses camarades, ils y invitent d'autres musiciens (Jean-Louis Chautemps, Louis Sclavis, Didier Petit, Gérard Siracusa, Hélène Bass...) des acteurs (Richard Bohringer, Claude Piéplu, Daniel Lalou...) ou chanteuses (Colette Magny, Brigitte Fontaine). Leur production discographique, où l'improvisation cède le pas à la composition, est intense (principalement sur Grrr... label de Jean-Jacques Birgé, mais aussi sur In Situ) allant jusqu'au disque pour enfants avec Crasse tignasse. Pour Grrr, Vitet publiera également Mehr Licht, son second album solo en 1979.
Francis Gorgé quitte un DMI qui continue en duo (avec de nombreux invités) jusqu'en 2008. En 1996, avec cet ensemble, Birgé et Vitet participent à l'album Buenaventura Durruti. L'orchestre est complété pour l'occasion par François Corneloup, Michel Godard et Xavier Dessandre-Navarre ainsi que par la toute jeune Elsa Birgé qui y fait ses débuts. L'album Machiavel voit la collaboration de Un DMI avec le duo Benoît Delbecq, Steve Argüelles.
Avec Jean-Jacques Birgé, il enregistrera aussi un disque de chansons : Carton. On les retrouve également tous deux avec le chanteur Baco, le guitariste Philippe Deschepper, ou les DJ Aki Onda ou DJ Nem.
Ses activités avec le Drame Musical Instantané ne le privent pas d'autres expériences comme l'Intercommunal de François Tusques, son duo avec Hélène Sage, Le Celestrial Communication d'Alan Silva ou le quartet de Sylvain Kassap (face B de L'Arlésienne) avec Didier Levallet et Günter Sommer.
L'invitation au voyage de Duparc était une des ses mélodies préférées, thème qui sera chanté et joué lors de ses funérailles au Père Lachaise le 12 juillet 2013.
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