Abel Paz
Abel Paz : voix
Lorsqu'il passait au bureau nato, lors de ses séjours en France, Abel Paz disait toujours à Valérie Crinière, alors au four et au moulin, "te laisse pas faire petite".
Abel Paz, de son nom de plume qui répondait aussi au bel état civil andalou de Diego Camacho, apportait une présence chaleureuse et stimulante. En partie grâce à lui, nous avons pu sentir notre activité musicale comme possible langage contribuant à l'ensemble de ce qui fait le mouvement vers un autre futur.
C'est en Andalousie, à Almeiria qu'est né Diego le 12 août 1921. Ses parents sont ouvriers agricoles et exercent d'autres métiers, sa mère est aussi chiffonnière. La famille émigre à Barcelone pour retourner en Andalousie. Diego reviendra à Barcelone. En 1934, il travaille comme ouvrier apprenti dans un atelier textile et rejoint la CNT dont les idées l'avaient déjà intéressé en Andalousie où l'anarchisme était très répandu.
À Barcelone, l'enseigne anarcho-syndicaliste est omniprésente dans toutes les luttes. On dit que dans la capitale catalane, une maison sur trois est anarchiste. Lors du soulèvement franquiste, Diego Camacho vit intensément ce qui parallèlement se révèle comme étant la révolution espagnole. Les anarchistes jouent un rôle majeur dans la lutte anti-franquiste, mais au-delà de l'anti-fascisme, souhaite immédiatement l'instauration d'une autre société, ce qui prend effet dès la défaite des militaires franquistes de Barcelone. Contrairement à ce qui est écrit dans nombre de biographies, si Diego souhaite rejoindre la colonne Durruti, il ne peut le faire car un peu jeune. Alors il crée avec deux amis, Liberto Sarrau et Federico Arcos, un groupe "Les Quichottes de l'idéal" et publie "le Quichotte".
Un peu plus tard, Il est sur le front et participe aux événements de Barcelone en Mai 1937 lorsque le PCE s'en prend directement au POUM et aux jeunesses libertaires dont il fait partie. En 1937, le bel été de l'anarchie semble déjà loin et l'Espagne court à sa tragédie (tragédie à laquelle les démocraties occidentales autant que l'URSS de Staline - faussement alliée - participent hautement). L'Espagne de Franco triomphe grâce à l'aide d'Hitler et Mussolini, au retrait de Staline et au silence de Chamberlain et de Daladier (Pétain est nommé Ambassadeur de France en Espagne à l'arrivée de Franco). Diego fait partie de ces milliers d'Espagnols qui traversent les Pyrénées pour trouver l'exil dans une France peu accueillante. C'est le temps des camps de concentration réservés aux républicains espagnols : Argelès sur mer, Le Bacarès, St Cyprien.
Un temps tenté comme nombre d'Espagnols par la résistance française (le rôle des Espagnols dans la résistance fut aussi grand que la trahison dont ils furent victimes à la fin de la guerre), il repasse la frontière et entre dans la guérilla anti-franquiste (mal connue). Il est arrêté en 1942, puis en 1943 où il purge une peine de plus de 10 ans pendant laquelle il attrape la tuberculose. En 1953, il arrive en France où sa maladie sera traitée, ce qui l'amène à écrire. Il est membre de la CNT en exil et exerce différents métiers de l'imprimerie. Il retourne clandestinement en Espagne à plusieurs reprises.
Il prend part aux événements de Mai 1968 à Paris. En 1972, Il publie son Buenaventura Durruti, ouvrage essentiel à la compréhension des luttes sociales en Espagne et de la guerre qui s'en est suivie. En 1977, après la chute du Franquisme (par mort "naturelle"), il rentre à Barcelone. Il écrit de nombreux ouvrages sur la Révolution Espagnole et la Guerre d'Espagne dont la remarquable Chronique passionnée de la Colonne de Fer et participe à des conférences et débats de par le monde.
En 1993, il publie son autobiographie : Dans le Brouillard. Il a aidé activement à l'élaboration du disque Buenaventura Durruri en facilitant l'accès à nombre d'archives ainsi qu'en prêtant sa voix pour un morceau composé par Tony Hymas. Avec les musiciens du disque, il se rend à Villeurbanne pour un week-end de débats, expositions et concerts ou s'associe à la fête du livre de la CNT. En 1999, lors de la résidence de Los Incontrolados à Sons d'Hiver, il était intervenu dans des classes des lycées du Val-de-Marne en compagnie de Violeta Ferrer.
Frédéric Goldbronn lui consacre un film Diego, on le retrouve aussi dans le film de Jean-Louis Comolli sur Buenaventura Durruti anarchisteréalisé à la suite du disque. Avec le cinéaste Espagnol Paco Rios, il co-réalise le documentaire sur Durruti et la révolution espagnole (inédit en France et célébré par le mensuel du cinéma espagnol comme le film le plus important de l'année 1998 avec les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard).
Abel Paz nous a quittés le lundi 13 avril 2009 à Barcelone.
A lire sur le glob nato :
Les amitiés d'Abel Paz par Jean Rochard
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