Violeta Ferrer
Violeta Ferrer : voix
Fille d’Acrato Llull et Pilar Grangel, instituteurs anarchistes défenseurs de l’école rationaliste, Violeta Ferrer grandit dans l’Espagne des rêves et des actions libertaires. Ses premiers contacts avec la poésie se révèlent passionnels, elle aime à dire les poèmes. Ce sont ensuite les journées de 1936 et leur révolution, on fait en même temps la guerre contre les fascistes et on invente un monde nouveau. C’est la revanche des gitans sur la Garde Civile. Mais Lorca est exécuté par les fascistes et Buenaventura Durruti est tué pendant le siège de Madrid. A l’enterrement de ce dernier, elle porte un étendard à son effigie. Ensuite, c’est le cortège des trahisons, des complaisances et des abandons qui jette l’Espagne aux mains des fascistes. La Garde Civile achève les gitans. Violeta Ferrer arrive début 1938 avec une colonie d’enfants dans un de ces camps pour femmes et enfants du sud de la France. Dans cette Espagne déplacée et meurtrie, elle dit passionnément la poésie d’auteurs anarchistes ainsi que celle de Federico Garcia Lorca devenu populaire grâce à la "Mariée infidèle".
1945, elle monte à Paris et participe à de nombreux galas en faveur des réfugiés espagnols ou des anciens miliciens des colonnes anarchistes qui reviennent des camps d’Allemagne. Federico Garcia Lorca est le poète qui la relie presque malgré elle à l’Espagne de son cœur. Violeta Ferrer dit ses poèmes en toutes circonstances comme devant Federica Montseny par exemple, dans des réunions de la CNT en exil où d’autres comme Georges Brassens ou Léo Ferré font aussi leurs débuts. Elle s’inscrit au Cours Charles Dullin où elle rencontre Marcel Marceau, Roger Vadim et Charles Denner. Elle souhaite devenir comédienne mais c’est toujours la poésie de Lorca qui l’habite au plus profond et la danse flamenco qu’elle pratique assidûment. Elle se marie avec le musicien Pepe Nuñez, ancien membre du POUM lui aussi réfugié. Elle danse avec Niño de Cadiz, fréquente Carmen Amaya, Pablo Casals. Dans les années cinquante, elle enregistre plusieurs disques de poèmes de Lorca produits par André Clergeat pour la marque Pacific accompagnée par le guitariste Paco Juanas. Elle quitte Paris pour New York pour rejoindre la troupe de Laura Toledo. Ils se produisent dans des cabarets espagnols qui voisinent avec ceux où jouent les nouveaux héros du jazz. La petite communauté espagnole new yorkaise, dont fait partie le guitariste Sabicas, tente d’installer là un petit espace de l’Espagne du chant profond. Lorca est encore le centre de cette vie. Elle rentre en France à la suite de problèmes familiaux et décide en 1963 de quitter la scène à l’exception d’épisodiques prestations pour ses amis Louis Lecoin et May Picqueray. Cette Espagne en exil est trop douloureuse. Comme de nombreux réfugiés de cette Espagne trahie, bafouée, oubliée, elle cherche à prendre ses distances, à s’intégrer, à se résigner…
1980, Federico Garcia Lorca la « rappelle ». Ces longues années n’y peuvent rien : Lorca est plus fort, le chant profond est plus fort, les rêves libertaires sont plus forts ! Elle se produit au festival de Chantenay-Villedieu avec François Tusques et enregistre à nouveau mais cette fois-ci avec des musiciens de jazz dont elle aime la liberté. François Tusques, Raymond Boni, André Jaume, Tony Coe, Jacques Di Donato seront de ces voyages. On les retrouve, attentifs, dans les deux disques que Violeta Ferrer consacre au poète andalou. Elle découvre le texte de Picasso, L’enterrement du Comte d’Orgaz qu’elle dit avec une partition composée par Tony Coe. Plus que l’artiste déterminant pour ce siècle, c’est l’aspect résolument andalou qui la travaille chez le peintre. Elle se produit ensuite avec d’autres musiciens comme Daunik Lazro, Mike Cooper ou Evan Parker et participe au disque Buenaventura Durruti. On la voit aussi de temps à autre au théâtre ou au cinéma avec Jean-Pierre Mocky, Jean Marboeuf ou Yves Caumon (La beauté du monde). Elle joue avec Jean-Luc Godard dans Eloge de l’amour. Elle est l’un des membres fondateurs du groupe Los Incontrolados avec lequel elle dit le Testament d’un incontrôlé de la colonne de fer.
En 2008, elle se produit au festival Minnesota sur Seine à St Paul-Minnesota avec Raymond Boni qu'elle retrouve à l'occasion lors d'une soirée intitulée An evening with Federico Garcia Lorca (ensuite le guitariste gravera pour Fou records une série de poèmes). Le 28 mai 2009, aux Ateliers Varan à Paris lors d'un hommage à Abel Paz (Diego Camacho) biographe de Durruti, elle dit pour la première fois selon le souhait exprimé par ce dernier "La chanson du pirate" de José de Espronceda. En 2010 on la retrouve au théâtre Dunois en duo avec Sylvain Kassap lors de la soirée des 30 ans de nato. La même année, elle participe à De l'Origine du monde de Tony Hymas où aux côtés de Nathalie Richard, elle cite Gustave Courbet.
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