Sylvain GirO
Sylvain GirO : chant
En 1973, on est encore dans l’après 68 en même temps qu’un autre type de monde et ses signes modernes font leur apparition. C’est l’année de la mort de Picasso, du fameux « premier choc pétrolier », de la guerre du Kippour, de la famine au Sahel, du coup d’Etat de Pinochet au Chili et de l’attribution du prix Nobel de la Paix à l'un des principaux instigateurs de ce 11 septembre 1973, Henry Kissinger. C’est aussi la fin de la guerre du Vietnam, la création du front Polisario au Sud Maroc, le scandale du Watergate, le départ de Nixon, l'occupation de Wounded Knee par les Indiens de l’American Indian Movement... Léo Ferré enregistre Et… Basta, Alan Stivell, Chemins de Terre, David Bowie, Aladin Sane, James Brown, the Payback, Herbie Hancock, Headhunters, les Pink Floyd, Dark Side of the Moon, Sly and the Familiy Stone, Fresh, The Stooges, Raw Power, the Who, Quadrophenia… Stop ! Non mais les gars, ici c’est une biographie de Sylvain GirO. Ben oui, mais c’est une sacrée année pour naître, presqu’un début de siècle….
Vous l’avez deviné, Sylvain Girault est né en 1973, le 18 juillet pour être précis. Chez ses parents il y a 30 à 40 disques. Brel, Brassens, Ferré, Ferrat donnent le ton, mais il y a aussi l’incontournable Pierre et le Loup de Prokoviev, Mannick et ses paroles de femmes ou Malicorne, Sidney Bechet, un disque de Keith Jarrett… Son père est un musicien de l’oralité et joue des cuillères, de l'harmonica, du tin whistle irlandais... De son père Sylvain Girault apprend « un rapport ludique à la musique, une capacité à reproduire d'oreille instantanément la mélodie que l'on vient d'entendre et enfin une présence de la musique dans la vie au quotidien. » Sylvain prendra conscience bien plus tard qu’il est l'héritier de toute cette filiation (Son grand-père paternel était aussi un sacré chanteur - « Le vin de Marsala » ou « Ah que maudite soit la guerre... » faisaient partie de son repertoire), comme son arrière grand-père ou grand-oncle.
À 8 ans, il choisit le violon. Il aime l’instrument mais adolescent son professeur se borne aux gammes, alors il s’inscrit à un atelier collectif et associatif de violon traditionnel. Là, il découvre la musique irlandaise, nord-américaine, bretonne, la liberté, l'art de la variation, de l'ornementation, le rapport à la danse, tout un monde. Son nouveau professeur l'invite à le remplacer dans les bars.
En 1991, mort de trac, il se produit pour la première fois en public Salle Paul Fort à Nantes. Il découvre l'association Dastum 44 et le chant traditionnel de Haute Bretagne. En 1995, il crée un groupe de fest-noz, Les Imprévus, dans lequel il chante aussi. Le chant l’habite depuis le CM1 depuis sa première chanson « Stéphane », l'histoire « d'un solitaire qui travaillait la terre ». « On la chantait avec la classe ». Adolescent il rêve de « faire comme Jacques Brel ».
En 1998, le chanteur Mathieu Hamon lui demande de le remplacer dans le groupe Katé-Mé, ensemble inspiré de la tradition du chant populaire de Haute Bretagne et par le rock, le jazz, le rap, le funk, avec guitare électrique, basse, batterie et deux bombardes. Il y rencontre Erwan Hamon, celui qu’il nomme son « frère de musique ». Katé-Mé enregistre trois albums. Sylvain commence à afficher ses talents de parolier avec des textes très engagés socialement.
De 2008 à 2012, il participe au spectacle La dame blanche avec le chanteur-conteur Pierre Guillard, Erwan Hamon à la flûte et Fabien Gillé à l'oud. Cette aventure musicale (jouée 50 fois), par l'imbrication du conte et du chant, le marque beaucoup.
Toujours avec Erwan Hamon, il entre dans collectif « Jeu à la Nantaise », avec François Robin, Aïcha Lebgâa, Micha Passtchnik. Le but de ce combo : montrer que les musiques populaires vivantes aujourd'hui dans une métropole comme Nantes peuvent vivre ensemble.
L’apparence de l’autre est-elle une spécificité de Giraud, de Girault ? Si le dessinateur Jean Giraud créa Moebius, en 2011, Sylvain Girault engendra Sylvain GirO, fruit d'un long processus qui l'amène à accepter de porter un projet personnel, à l’assumer. Distinguer ce projet de ce qu’il a fait en musique bretonne et créer un nom qui soit à la fois le sien, celui d’une intention musicale, et celui d’un groupe avec le claviériste Julien Padovani et le batteur Jean-Marie Nivaigne rejoint bientôt par le violoncelliste Erwan Martinerie. Le O de GirO évoque le tour, le rond, le cercle. Et il adore ça les boucles, "les musiques qui avancent tout en tournant en rond..."
Sylvain GirO fait peau neuve gorgé d’éléments glanés au fil de son parcours, cherche une écriture plus intime, affranchie des codes du chant populaire de tradition orale francophone ; quête d’une chanson qui soit onirique sans être vaporeuse, politique et sociale sans être directement militante. La mélodie l’emporte. Le batteur de grève, premier album, en définit la griffe, affirmée en 2014 par Le Lac d’Eugénie, suite de chansons qui font également l’objet d’un spectacle co-écrit par Nicolas Bonneau, auteur et conteur.
Sylvain Girault est également parolier pour d’autres chanteurs et ensembles comme Hamon Martin Quintet pour qui il a écrit « Notre Dame des Oiseaux de Fer », chanson hautement signifiante de la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des Landes (il habite en bordure de la fameuse ZAD). Cette chanson sera reprise par Tony Hymas avec son trio ainsi que par le groupe Ursus Minor. Sylvain Girault écrira les mots de deux des chansons de Chroniques de résistance du pianiste britannique.
Si les influences de Sylvain GirO sont multiples, sa musique doit beaucoup au chant traditionnel : « la déconnexion partielle du sens et du son des mots, la priorité donnée à la fonctionnalité sonore du mot, comme dans le chant à danser, la liberté d'écriture, l'interprétation fondée sur la variation, le phrasé, l'ornement, l'utilisation du bourdon, de l'entendement modal de la musique... »
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